Jour 155 - Chengdu

Bonjour fidèles et moins fidèles lecteurs! :)

 

Je suis toujours en Chine bien sûr... Je n’y suis que depuis un peu plus de deux semaines et mon visa est valide trente jours. En fait, incluant la journée d’aujourd’hui, il me reste quatorze jours très exactement en Chine! Tout va tellement vite. Bon c’est un peu de ma faute et mon choix. J’aurais pu me concentrer sur une région pendant un mois mais ce voyage en étant avant tout un de trains et de déplacement Europe-Asie, je continue volontairement sur ma lancée road trip.

 

Je traverse donc allègrement la Chine, pays de brume. Non pas à cause de l’opium qui embrumait les esprits à une époque pas si lointaine mais de la réelle brume. En effet, bien qu’à Beijing le brouillard ET le smog sont presque constants, ailleurs au pays, même en campagne, autour de la muraille, en montagne ou ici à Chengdu, il n’est presque pas un jour sans un léger voile brumeux. Charmant!

 

J’ai quitté Beijing le 2 octobre en fin d’après-midi quittant définitivement Markus, Monica et Yves qui lui, venait d’arriver à Beijing et pour qui son voyage d’un an se terminait dans quelques jours. Après plus de trois semaines avec eux, ce fut un autre départ à la "Vagabond"! :)

 

Les gares chinoises sont différentes. C’est comme prendre l’avion. Ou je dirais en tout cas, plus près de la gare Centrale de Montreal que d’un quai normal. On entre dans la gare en passant ses bagages au scanneur comme dans les aéroports et nous mêmes dans le détecteur de métal. Ensuite, on se rend à la porte d’embarquement indiquée. Là, quelqu’un vérifie notre billet et nous laisse aller vers les quais. C’est comme passer la "gate" à l’aéroport. De là, on se rend enfin à notre quai. Avantage sur celui de Montréal, on vend tout de même des "billets de quai" pour aller dire aurevoir à nos amis si on le veut. Tout ce fonctionnement, je l’ai appris sur le tas à mon premier train à Beijing.

 

Arrivé à la gare, je ne trouve pas mon quai d’embarquement. J’ai en effet le quai No 2, sauf que je ne vois dans le corridor que des Numéros allant de 4 à 12! Il s’agit en fait des salles d’attente. Mais je devais savoir que, dans la salle 4, la porte No 2 était le mienne! Je suis arrivé quatre minutes avant mon train à la porte d’embarquement. Sauf qu’un panneau indique qu’il faut passer ce contrôle cinq minutes avant l’heure de départ. Jamais la femme n’a voulu me laisser passer. Malgré tous mes « pleaaaase » et mon air de chien battu et désespéré, disant que j’étais perdu dans la gare. J’ai donc dû descendre aux guichets, et faire changer mon ticket pour le train suivant, moyennant bien sûr un frais de 124 yuan, soit 20 dollars. J’ai au-moins pu partir le même soir et suis arrivé le lendemain à Xian comme entendu avec Elvira.

 

En effet, le lendemain matin à Xian, je retrouvais Elvira. Pour ceux qui ont une très bonne mémoire ou encore pour ceux qui étudieraient à fond et apprendraient par coeur mes textes (si c’est le cas, vous êtes dérangés mentalement!), Elvira est une Autrichienne rencontrée à Brasov un seul soir de veille à l’auberge. Les deux allant en Ukraine par des chemins séparés, nous avions dit: si on se revoit là, tant mieux! Finalement nous nous étions revus à Moscou et sommes allés à St-Petersbourg ensemble. Depuis, alors que j’errais en Russie, en Mongolie et à Beijing, elle a traversé le Kazakhstan, le Kyrgyzstan et l’ouest de la Chine. Nous revoilà donc à Xian! Et puis en regardant nos trucs, nous allons voyager ensemble jusqu’a Shanghai soit pour environ les deux semaines et demi suivantes!

 

Xian... ville qui, avec Beijing, faisait partie des endroits où je voulais aller. Xian fut pendant longtemps, au début de l’histoire chinoise, la capitale du pays. Capitale du premier empire unifié il y a 2200 ans. Également site de la plus grande découverte archéologique du 20e siècle, l’armée de terre cuite.

 

Ayant vu quelques-uns de ces soldats lors d’une exposition à Montréal il y a environ vingt ans, j’étais resté fasciné par cette armée de plus de 6000 soldats de terre cuite, tous affichant un visage et une expression différente, façonnée il y a plus de 2200 ans pour entourer et accompagner dans l’autre monde l’empereur Qin Shihuang, dont le nom signifie à juste titre "premier empereur". Il espérait ainsi conquérir le monde où l’on arrive après la mort. Pour savoir s’il a réussi, il vous faudra visiter le musée d’histoire de l’autre monde j’imagine! :)

 

Ce que j’ai pu voir sur place est encore plus impressionnant. La fosse No.1 est très vaste. Environ 20% seulement des soldats ont été reconstitués jusqu’à présent. Le reste est encore en attente et l’on travaille toujours à reconstituer les soldats de la première fosse. En effet, l’armée était loin d’être intacte. Le général Xiangt (c’est permis de ne pas le connaître) qui a mis fin à la dynastie Qin a en effet pénétré dans les souterrains de l’armée, saccagé les statues et mis le feu aux structures de bois. Il faut donc pour les archéologues refaire chacune des statues en déterrant chacun des morceaux puis les reconstituer dans un immense jeu de puzzle. Je dois dire que le travail accompli jusqu’à présent et celui à venir est aussi impressionnant que l’oeuvre elle-même.

 

En plus de cette fosse de 6000 soldats avec chevaux, généraux, cavaliers, archers, simples soldats et officiers, on a découvert par la suite deux autres fosses. La deuxième contenant environ 1000 autres soldats. On n’a pas commencé à reconstruire ces soldats. Par contre, cela permet d’observer le site et le travail archéologique en cours. La troisième fosse serait le poste de commandement de cette véritable et complète armée. Environ 60 personnages placés de façon à protéger le corridor d’accès à une salle où des généraux se trouvent. Sa location par rapport aux deux autres correspond à cette théorie.

 

Bien plus, l’armée avec ses trois fosses n’est pas complète. Il existerait deux autres fosses dont on connaît l’existence mais qu’on n’a pas ouvertes. Constituant ainsi d’autres flancs de l’armée.

 

Également, l’image qu’on voit souvent de ces soldats est d’une seule couleur. En fait, lors de leur construction, les soldats ont également été peints. Un travail colossal. La peinture n’a pas tenu le coup malheureusement, sauf sur certaines pièces de la deuxième et troisième fosse.

 

J’ai également eu comme explication que ce serait l’une des raisons expliquant pourquoi on ne déterre pas la quatrième et cinquième fosse. Qu’en effet la peinture se déteriorerait encore plus dès leur exposition à l’air. On attendrait alors des avancées technologiques qui permettraient de déterrer ces fosses. Mais bon, je ne suis pas certain que c’est ce que le guide voulait dire non plus. :)

 

Pour ceux que ça intéresse, il est possible d’acheter et de faire livrer un soldat grandeur nature, produit de la même façon qu’à l’époque mais non peint. Chaque soldat est coulé dans un moule, séché puis cuit pendant une semaine à 900 degrés celcius. Je suis content de ne pas être de la terre cuite! Ils sont façonnés dans une fabrique opérée par le gouvernement, fabrique que chaque tour vers le site de l’armée de terre cuite se fera un devoir de vous faire "visiter". Le soldat grandeur nature avec livraison au Canada ou en Europe et assurance incluse pour 1500 USD. Sinon y’a les plus petits à 100 yuan (16$ Can) :)

 

Ceci étant dit, Qin Shihuang est un empereur fascinant à étudier. Il a fait de nombreuses réformes, uniformisé l’écriture chinoise, uniformisé l’espace entre les roues de chariot (pour les routes), divisé la Chine en province, province qui, grosso modo, sont toujours les mêmes aujourd’hui encore. D’un autre côté, il était un craqué tyrannique et despotique. Une des rébellions contre lui fut, par exemple, mené par deux officiers qui ont incité les paysans à les suivre. Pas fou, ces deux officiers devaient se rendre à un poste frontière pour relever la garde avec 900 soldats. À cause de pluies torrentielles, ils étaient en retard. Et le retard était... la peine de mort. Ils ont préféré inciter une révolution que de se rendre à destination pour être décapités! J’aurais fait pareil. :)

 

D’autres peines diverses incluaient: l’ablation des rotules, être forcé au suicide, pendaison jusqu’à la mort, bouilli jusqu’à la mort, tué ainsi que cinq membres de la famille (en cas de désobéissance ou de refus de suicide) ou, ma préferée, tué ainsi que cinq voisins! Y’a intérêt à se choisir un bon voisinage!!! Après la mort de Qin Shihuang, son fils l’a remplacé mais la dynastie Qin s’est achevée peu de temps après.

 

Sinon Xian est bien avec ses fortifications dessinant un rectangle parfait de 14 km de périphérique. Les murs dans leur presque totalité ont été restaurés et on peut pratiquement faire le tour complet d’en haut!

 

Je m’y suis d’ailleurs rendu (l’auberge est en face du mur, à cinq ou six mètres maximum!) avec Elvira et en compagnie de Kan Ping. Oui! oui! Ça sonne Camping, je trouve aussi! Ping travaillait au bar de l’auberge à Xian pour une semaine seulement, soit durant la semaine de vacances nationales du 1er au 7 octobre. Elle a proposé à Elvira de nous faire visiter la ville en échange de lui parler en anglais. Ce qui est courant ici!

 

Xian est une ville qui a également une importante communauté musulmane. La ville a donc un quartier dit musulman où l’on retrouve également une très belle mosquée... tout ce qu’il y a de plus chinois! En effet, la mosquée et son enceinte sont formées de quatre jardins, aménagés selon les principes et l’architecture chinois. Très joli, reposant, et plutôt inhabituel de voir une mosquée au toit retroussé! Un oasis de tranquilité considérant que pour s’y rendre, il faut traverser une ruelle large de trois ou quatre mètres bordée de chaque côté de centaines d’étals de souvenirs. Des soldats en terre cuite, du tiger balm, des images chinoises, de la porcelaine, des étampes pour y faire graver votre nom en chinois, des kits de baguettes, des trucs en faux jade, en faux argent, en faux tout, des images de Mao et des montres avec Mao qui agite la main à l’intérieur comme les montres Mickey Mouse quand j’étais petit. Et surtout, presque chaque table offre son paquet de cartes des "Irak’s most wanted". Vous savez? Ce fameux jeu de cartes créé par les services américains des 55 personnes à attraper comme pour faire de toute l’affaire encore plus une farce!

 

Hormis ces quelques visites et la rue principale du quartier musulman, bondée de gens et littérallement fascinante, Xian m’a tout de même peu séduit. Ville de bagnole plus que ville de marcheur ou de cyclistes. Ville qui sonne faux, croulant sous les vendeurs de souvenirs.

 

Je dois dire que j’ai adoré, par contre, me promener sur le boulevard principal, le dimanche avec cette masse énorme de gens faisant du lèche vitrine ou du lèche-social!?! Et surtout, toutes ces promos sur la rue. Des shows pop, des shows de danse techno-dance sur des minis scènes sur le trottoir, pour promouvoir un nouveau cellulaire ou la nouvelle boutique à la mode. Plus loin, une vingtaine de jeunes gens portant le même habit rouge-orange alignés des deux côtés du trottoir, le long d’un tapis rouge déployé pour l’occasion au-dessus duquel flotte un treilli de ballons. Le but? Remettre des tracts sur cette boutique d’électronique et d’électroménagers! Un mélange hallucinant!

 

Jour 151, j’ai quitté pour une petite excursion d’un jour à Hua Shan. Hua Shan, c’est l’une des montagnes sacrées de Chine. Elvira et moi envisagions d’y faire une randonnée jusqu’au sommet, y passer la nuit et, classique des montagnes sacrées, y regarder le lever du soleil. En fait de randonnée, je fut plutôt surpris de constater sur place que c’était en fait un sentier fait de pierres et jalonné, à tous les 200 mètres, d’étals vendant eau, jus, Red Bulls, nourriture et médailles. Nous avons bien rigolé en voyant cela. Peuh! 3h30 pour se rendre au sommet alors qu’on a fait trois des six kilomètres en moins d’une heure? Voyons donc!

 

On a continué à trouver le tout rigolo lorsque ça s’est mis à grimper un peu plus mais que le sentier de pierre était maintenant parsemé d’escaliers de pierres, bordé de chaînes. Drôle de rando en montagne. Eh bien nous avons finalement mis 3h45 pour atteindre le sommet. Il y avait par la suite une réelle grimpe et aller au sommet sans ces aménagements serait impossible à moins d’avoir du matériel d’escalade. Ce qui est interdit de toute façon, l’endroit étant protégé. Certaines passes sont folles! Une inclinaison de plus de 45 degrés, des marches larges de 10 cm et ce, encastrées entre deux rochers sur une centaine de mètres. Par contre l’effort en vaut le coût pour la magnifique vue au sommet. Les autres sommets autour, tout comme celui sur lequel on se trouve, sont des pics s’élevant au-dessus de vallées vertigineuses. Nous avons pu dormir dans un petit hôtel au sommet. Oui, il y avait d’autres gens, mais considérant les villes d’où je venais, considérant que c’est en Chine, l’endroit est très tranquille. Et l’air frais!

 

Nous avons donc le lendemain, pu observer le lever du soleil avec une trentaine d’autres Chinois. Certains ont escaladé cette montagne de nuit avec lampe de poche, d’autres sont arrivés la veille comme nous. Superbe. Sûrement plus apprécié n’eut été que j’étais au plus fort d’un rhume ce matin précisement.

 

Puis ce fut la descente. Je sentais un peu plus mes mollets ce matin-là. :) Curieux, j’ai décidé de compter les marches. À environ 100 de marge d’erreur, il y en avait 3400 !!! Rien que ça. À titre de comparaison, la Tour Eiffel en compte 1650 (la moitié moins) et la tour du CN, 1776! Ayant monté 3400 marches et descendu 3400 le lendemain, le tout en environ cinq heures, il est inutile de préciser que j’ai eu les mollets raides pendant quelques jours. :)

 

Comment ravitailler ces petits restos en cours de route ainsi que descendre les déchets? Avec des porteurs pardi. Ces hommes font l’aller-retour avec des charges de plus de 30 kg de chaque côté d’un bâton pour une charge totale de plus de 60 kg (125 livres). J’ai essayé d’en tenir un. Aïe! Parmis les boulots disponibles également, balayeur de sentier! Pas pour rien que je trouvais ça étrangement propre!

 

Elvira et moi sommes revenus à Xian prendre une douche et surtout, prendre notre train pour Chengdu, prochaine étape chinoise.

 

Nous sommes arrivés à Chengdu il y a deux jours: Jour 153. Encore dans une auberge Hostelling International qui possède un superbe réseau ici. Je loge donc à l’enseigne du Dragon Town Hostel, situé dans l’une des deux seules hutong (ruelle) qu’on peut encore trouver à Chengdu... malheureusement. La plupart de ces petites rues et quartiers ont été détruits pour faire place à des complexes immobiliers, des buildings plus récents.

 

Chengdu est exactement ce que j’attendais d’elle. Un endroit pour faire la pause, pour relaxer. La ville est parsemée de maisons de thé, de parcs et jardins où l’on trouve d’autres maisons de thé. Chaque endroit apportant son lot de tables extérieures occupées de gens divers jouant aux cartes, au mah-jong, aux dames chinoises ou simplement, discutant ou lisant. J’adore.

 

Cette ville est défintivement le paradis du "tea lover". Pour 2 yuan (au petit monsieur, voisin de l’auberge) ou 5 yuan (dans le Parc du Peuple), on vous sert le thé dans une tasse particulière de Chengdu et du Sishuan. On l’emplit d’eau et on laisse à votre table un immense thermos d’environ deux litres pour vous refaire des remplissages à votre gré. La tasse, sans anse, est formée d’une soucoupe très creuse, du récipient qui s’y ajuste parfaitement et d’un couvercle. Le thé en feuille est mis directement dans le récipient. On soulève le récipient en tenant la soucoupe pour boire sans se brûler. On laisse le couvercle en place pour boire sans avaler les feuilles qui flottent! Fin de la leçon de la tasse Sishuanaise!

 

J’ai également rencontré Poy, une Chinoise avec qui je corresponds depuis quelques mois, qui a terminé ses études en anglais et japonais en juin dernier. Elle revient d’un voyage en Thaïlande et est présentement à la recherche d’emploi comme prof d’anglais en Chine ou prof de chinois à l’étranger. Notre première rencontre était dans le Parc du Peuple autour... d’une tasse de thé au jasmin! Nous nous sommes revus aujourd’hui avec Elvira dans un temple bouddhiste et avons terminé la visite par... eh oui! Un thé dans l’enceinte du temple! D’ailleurs, un homme s’est joint à nous et a offert une conversation tres intéressante. Celui-ci a pu éclairer nos lanternes sur la Chine actuelle. Si on se fie à ce qu’on voit, tout va bien ici. Ce qui bien sûr n’est pas le cas. Mais en même temps, il n’était pas le vieux qui critique tout pour critiquer. Non. Il était articulé, tempéré. Selon lui, même si en apparence les Chinois paraissent moins revendicateurs depuis 1989, ceux-ci sont plus au courant que jamais que leur liberté d’expression est limitée, que tout ne tourne pas rond. Selon lui, les travailleurs et les paysans sont un volcan qui dort.

Tiens en passant, selon Poy, le salaire moyen varie entre 800 et 1200 yuan par mois à Chengdu. Pour les sans emplois, ils reçoivent 150 yuan par mois du gouvernement. (Divisez le tout par 6 pour obtenir en $canadien ou par 10 en Euros.)

 

Sinon, le reste de mon temps a tourné autour du thé, vélo, parc, thé, lecture, écriture, thé encore et excellente bouffe sishuanaise toujours très épicée. Dans chaque pays, je me pose la question : si j’allais y travailler quelques mois ou une année, quelle ville aimerais-je? Pour la Chine, la réponse est trouvée: Chengdu et son ambiance on ne peut plus relax!

 

Demain, je vais voir des pandas au centre d’élevage! Ensuite, en fin d’après-midi, nous reverrons sûrement Poy. Elle a une deuxième entrevue demain après-midi, alors je lui souhaite bonne chance.

 

Et à vous, je vous souhaite une bonne semaine!

 

Michel

 

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Faut voir à la hauteur des tournesols!

 

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