Jour 26 - Thiès (Teroch et Touba)

Jaaaam (paix)

Fin de semaine dernière, en visite pendant 2 jours dans le village serer de Teroch, là où se trouve Marianne depuis deux mois. Les Serers sont une ethnie et c'est aussi une langue. Le village compte des familles catholiques et d'autres musulmanes qui vivent en harmonie comme à Fadiouth (voir message du Jour 14). J'y ai multiplié les ouraat et waa (des salutations), les fa toul mina et mi san ta (comment ca va, bien) et les jaam (paix). Chaque rencontre, chaque personne croisée ou recroisée 5 minutes plus tard et l'échange repart. Sympathique, paisible, mais j'ai aussi l'impression que plus personne n'écoute vraiment la réponse. Ca semble être rendu au stade du réflexe.

Ceci dit, j'ai beaucoup apprécié ma visite dans le village de Teroch. D'abord parce que j'y étais avec Marianne ma copine que je n'avais pas vue depuis le 15 mai dernier, ensuite parce que l'endroit était très différent de ce que j'ai pu voir jusqu'à maintenant. Un village calme, en retrait des grandes routes (à 4km à pied ou en charette sur une large route de terre au sud-ouest de Tivaouane), propre. Sur ce dernier point, le village détonne vraiment de ce que j'ai pu voir partout ailleurs. Propre. Aussi, paisible, organisé, très "communautaire", hors du monde.

Le temps s'y comptait différemment, il ne se comptait pas en fait. Il faut dire aussi que samedi, lorsque je suis arrivé, le village était presque désert. Tout le monde était aux champs car c'était les débuts de la saison des pluies ou de "l'hivernage" comme on dit ici. A 30 degrés, c'est une expression qui fait sourire les premières fois. Le début de l'hivernage fut marqué par la très grosse averse de la veille alors que Marianne et moi étions toujours à Thiès. C'était donc désert à Teroch, même les enfants s'y faisait rares. Puis l'après-midi vient la pause, le repos sur la natte, par terre dans la cour. La cour ou la concession. C'est le nom donné au terrain d'une famille. Assez grand, on y retrouve plusieurs cases, pour le mari, la ou les femmes, la cuisine, et une par personne pour les plus âgés. C'est ce que vous voyez sur la photo en bas. La grande natte et la famille se reposant, le dimanche, journée de congé... pour les familles catholiques. Celle des musulmans c'est le vendredi.

Comme c'était dimanche, je suis donc arrivé à temps pour la messe de 9h00 après une heure de marche depuis Tivaouane. J'y ai assisté, tout comme Marianne. Une messe de 1h20. Mais tout comme à Fadiouth, c'était très beau avec la chorale, les djembés, très pastorale encore une fois.

Mbaké

Lundi, j'ai retrouvé Anne-Marie pour nous rendre à Mbaké, vers le centre du pays. Prendre un taxi-7-places à 14h ce n'est pas l'idée du siècle mais il était trop tard pour s'en rendre compte. Après 1h45 de voiture, avec une température de 38 degrés dans le véhicule, nous sommes tout de même arrivé à Mbaké. Objectif? Y passer la nuit pour visiter la ville voisine quasi-sainte de Touba, la ville phare des Mourides, une confrérie musulmane. Touba est à une dizaine de km de Mbaké mais comme il n'y a aucun hotel à Touba (les hotels sont des endroits de vices comme on le sait), on dort donc dans l'unique camp des environs.

Une expérience: Le bourg est privé d'électricité et comme l'eau courante fonctionne avec une pompe électrique, nous n'avons ni douche, ni ventilo. Fait chaud. Faut savoir aussi que plus nous allons dans les terres, plus cette chaleur augmente. Wouh! J'ai hâte d'être au Mali héhéhé. Pour se rafraîchir, une bassine d'eau, un t-shirt mouillé et l'affaire est (presque) ketchup. Réveillé à 4h00 du matin par ma figure qui bouillait, je suis sorti dehors me rafraîchir. Superbe spectacle. La cour est paisible, le ciel s'est dégagé et les étoiles m'offrent un joli spectacle.

Le ciel s'était assombri très rapidement vers 18h00 et suite à une mini tempête de sable ma foi fort impressionnante, une pluie diluvienne s'est abattue, confirmant que l'hivernage est bel et bien là. Parti découvrir le village, au ralenti à cause de la panne, nous nous sommes arrêtés dans un petit bouiboui où j'y ai mangé la soupe au mouton la plus poivrée du Sénégal... Mais c'était bon. Et assis à la chandelle à cette grande table commune, dans ce coin perdu au milieu du Sahel, le moment fut agréable.

Touba et les Mourides

Le lendemain matin, départ pour la ville de Touba. Pour vous expliquer rapidement, disons que 80-90% de la population Sénégalaise est musulmanes. Ceux-ci sont ensuite "regroupés" en confréries, des courants de pensées qui suivent les enseignements d'un maître. Amadou Bamba fut l'un d'eux au début du 20e siècle. Il est mort mais on continue à retrouver à la tête des Mourides un Cheikh, un chef spirituel qui sont les descendants de Amadou Bamba. Les Mourides sont la plus importantes confrérie du Sénégal avec 2 à 3 millions de fidèles. De plus, un disciple de Amadou Bamba, Lamp Fall, a, avec la bénédiction de Bamba, créé en quelque sorte une branche des Mourides que sont les Baye Fall. Lamp Fall préférant le travail à la prière, Bamba l'a exempté de prières, de jeun, de suivre le ramadan, etc. remplaçant ces devoirs musulmans par le travail. Les Baye Fall aussi sont nombreux de nos jours et on les reconnait à leur dreadlocks. J'arrondi un peu mais voilà pour le contexte.

Les Mourides sont riches et puissants. On le voit à Touba. La mosquée est superbe et grandiose. (voir la photo plus bas) De plus, les gens vivants à Touba ne paient aucune taxes, ne paient pas l'eau, ne paient apparemment pas l'électricité. Le commerce y est donc florissants mais personne ne sait à quel point. Pas même le gouvernement. En se promenant dans les rues et au stand à taxi, on voit de tout: montres, vêtements bien sûr comme ailleurs, mais aussi de l'électronique et, plus étrangement car je n'en ai vu nulle part ailleurs, des médicaments! Beaucoup, de toute sortes, dans des boites, ou encore dans de petits sacs plastiques non-identifiés

L'argent vient de sources diverses. Des dons des fidèles bien sûr, mais aussi du cheikh lui-même qui possèdent plusieurs et plusieurs hectares de champs d'arachides. Dans les champs, il est aussi pratique, on le devine, d'avoir des Baye Fall qui n'auront pas à s'arrêter pour la prière, pour le jour sacré du vendredi ou durant le ramadan...

Je soupçonne aussi plusieurs revenus de venir des écoles coraniques. Les écoles publiques ne sont pas chères ici mais elles ne sont pas gratuites non plus. Et élever des enfants non plus. Alors des parents envoient parfois un ou plusieurs enfants dans les écoles coraniques où ils apprendront le coran et l'arabe. Ils sont aussi pris en charge donc nourris, logés, éduqués. Cependant, dans l'horaire de la journée d'une école coranique, il y a du temps qui est prévu, le matin tôt et dans l'après-midi également, où les enfants sortent dans les rues pour demander la charité, soit en argent, soit en nourriture. Est-ce que tout l'argent revient à leur "entretien" et leur éducation? Je ne saurais dire.

Pour boucler la boucle des Mourides et des confréries, ajoutons qu'avec 2 à 3 millions de fidèles pour les Mourides seulement, il est impossible de gouverner ou d'avoir le pouvoir aux élections sans le support du Cheikhs des Mourides et de ceux des autres confréries. Ceux-ci exercent une très forte influence et donc, inutile de penser pour l'instant, que le gouvernement fera quelque chose pour éviter la mendicité des enfants...

Ceci dit, la mosquée de Touba est le batiment le plus joli que j'aie vu ici. Agrandie à plusieurs reprises, entièrement recouverte de marbre, un dallage d'une pierre spéciale qui ne chauffe pas au soleil, permettant aux fidèles de s'y promener pieds nus, une capacité de plusieurs milliers de personnes... On ne peut nier la beauté de la Mosquée. Et tout comme les églises à l'époque, plusieurs personnes, lors des travaux, viennent y donner du temps gratuitement, pour la foi, pour le prestige de leur mosquée. Et ils ont de quoi en être fiers effectivement.

En pause à Thiès, je retourne maintenant vers Ngor jusqu'à dimanche matin où je rejoindrai Marianne. Ensemble nous irons à l'ile de Gorée et mardi ou vendredi prochain, en Casamance... J'ai bien hâte.

A bientôt

Michel

********************************

En vrac

Une blague inventée ici au Sénégal suite à l'observation:

Question: Combien ça prend de Sénégalais pour faire un sandwich à la viande?

Réponse: On ne le sait pas mais ça prend 30 minutes.

elle est bonne hein?... Elle est encore meilleure quand vous êtes ici. :)

Démographie:

La population est vieillissante au Québec et en occident en général? Ici, sur une population de 10,5 millions d'habitants, 55% ont 20 ans et moins!!!

Céline:

On n'y échappe pas. Ni en Pologne, ni en thailande, ni en Chine, ni en Russie. Alors imaginez dans un pays de la francophonie. Il m'aura fallu moins de 10 jours pour échouer au challenge Céline.